Résumé

Nous avions introduit dans notre article du 17 novembre la notion de diagnostic limité pour les ETMI (entreprises de taille moyenne ou intermédiaire). Nous y avions exposé son intérêt dans certains contextes particuliers et énoncé les principaux garde-fous pour en assurer la qualité.

Nous abordons dans cet article la situation de difficulté sérieuse, potentielle ou avérée, pour laquelle une adaptation du diagnostic limité permet d’y voir rapidement plus clair et de faire de la prévention en enclenchant très tôt les actions les plus urgentes.

Le contexte délicat de la situation dégradée

Nous développons dans cet article le sujet crucial de l’adaptation du diagnostic limité à un de ses contextes d’application privilégiés, à savoir celui de la situation dégradée de la trésorerie. Il est plus approprié de parler dans ce cas de diagnostic d’urgence (DU). Nous allons donc décrire l’usage du DU en cas de survenance d’une tension forte et persistante sur la trésorerie, voire d’une crise aigüe affectant la capacité de l’entreprise de faire face à ses échéances.

Dans ces circonstances annonciatrices de graves dangers, l’entreprise se retrouve dans un état instable et plongée en zone de forte turbulence, pouvant éventuellement la conduire à l’insolvabilité. Compte tenu du risque encouru, il est judicieux qu’un Conseil expérimenté intervienne sans trop tarder en soutien du dirigeant d’ETMI pour l’aider à faire face à cette situation généralement inhabituelle pour lui, et qui comporte de nombreux pièges.

L’intervention du Conseil doit inclure les diligences entrant dans le champ du DL , à savoir l’examen des 7 domaines de la stratégie, de l’offre, de sa commercialisation, des opérations, de l’organisation et de la gestion des ressources humaines, de la dynamique de leadership au sein de la direction, du contrôle financier. Il exige en outre l’immersion dans l’entreprise, la conduite d’entrevues structurées avec les managers et des visites de terrain.

Les particularités du diagnostic d’urgence

Mais plus spécifiquement, une série de travaux complémentaires doit être prévue:

  1. Au plus vite et préalablement à l’ouverture de toute procédure ou médiation vis-à-vis des créanciers (banques, crédits-bailleurs etc.), la recherche de mesures pouvant procurer des « marges de manœuvre » en matière de trésorerie ;
  2. La revue des principaux engagements (tels que les loyers, les crédits-bails, les contrats de service critiques), ainsi que des échéances de dettes ;
  3. L’examen du processus de contrôle de la trésorerie et des outils de prévision et de suivi des flux financiers ;
  4. Des analyses simplifiées de rentabilité, étayées par les données agrégées rapidement disponibles, selon un ou deux axes d’analyse pertinents ;
  5. L’identification des actions prioritaires de réduction des pertes, de maîtrise des dépenses et de suppression de leur portion non essentielle ;
  6. La revue des principaux contrats de vente en cours et des conditions générales de vente, et la vérification de leurs clauses éventuelles d’ajustement des prix ;
  7. L’identification des opportunités d’ajustements tarifaires rapides pour compenser le renchérissement des matières, des énergies, etc. ;
  8. L’établissement de prévisions robustes et suffisamment prudentes d’évolution de l’activité ;
  9. La construction d’un tableau simplifié de flux prévisionnels de trésorerie (TFT) sur une année, selon une granularité mensuelle, avec l’estimation des pics intra-période ;
  10. L’estimation du besoin de financement non couvert par les flux monétaires d’exploitation sur la période de prévision.

Cet ensemble de points constitue un préalable extrêmement utile à une IBR (Independant Business Review) qui peut être exigée par les créanciers à l’ouverture d’une négociation sur un réaménagement des échéanciers de dettes. Cette démarche se distingue de la démarche distancée et purement financière de l’IBR. En effet, elle intègre les aspects de business, d’opérations et de finance et les articule entre eux, .  Le DU sert ainsi de boussole à l’ETMI et à son dirigeant et permet de démarrer les actions urgentes pour colmater les brèches. Il constitue un socle permettant d’articuler la communication auprès de ses salariés afin de les maintenir concentrés et sous tension positive en dépit des circonstances.

La suite des évènements

Dans un deuxième temps, des analyses plus complètes de la situation et des leviers possibles de rebond devront la plupart du temps être conduites pour définir un plan de progrès ou architecturer une transformation, dans l’hypothèse où celle-ci serait nécessaire à la relance de l’entreprise. Nous entendons par transformation une remise en cause substantielle comportant restructuration, révision du modèle d’affaires, recentrage d’activités, ou cession d’actifs, etc. Il faut en effet prendre soin de mener une réflexion complète et rigoureusement étayée par la mise en évidence des atouts et des vulnérabilités de l’entreprise avant de s’engouffrer dans un plan d’envergure engageant l’entreprise sur le moyen terme. Seule la mise en œuvre d’un protocole d’investigation complet et minutieux permet de déterminer la meilleure voie à suivre avec un bon degré de confiance.

Ce n’est qu’après cette étape que la révision du BP peut intervenir. Elle permet alors de projeter l’évolution du besoin de financement selon différents scénarios, pour  éclairer les parties prenantes sur la viabilité de l’entreprise, les conditions permettant d’assurer sa pérennité, sa trajectoire la plus probable et l’évolution de ses principaux indicateurs économiques et financiers sur le moyen et long terme. C’est précisément l’objectif de l’IBR que d’offrir cet éclairage aux partenaires de l’entreprise. On peut penser que procéder par étape c’est reculer pour mieux sauter, mais en réalité commencer par un DU est une approche bien plus efficace pour lancer les actions les plus urgentes avant de s’atteler à l’élaboration d’un plan robuste ayant pour objet d’asseoir le rebond de l’entreprise dans la durée.