Résumé

La relation au travail dans l’entreprise, quel vaste sujet !

Nous avions évoqué dans notre précédent article « Rationnel et Relationnel pour piloter dans l’incertitude » la notion de sens au quotidien. Dans cette série de trois articles nous précisons cette notion subtile de « sens » à travers la relation à l’entreprise. A travers le prisme de l’intérêt des salariés pour leur travail, nous en élucidons les ramifications et l’effet sur la performance.

La crise du Covid a entraîné une désaffection croissante des Français pour leur travail. Les cadres, pourtant réputés plus engagés, sont aussi touchés par ce phénomène. Ce désamour n’est pas sans conséquence pour les entreprises, au moment où elles rencontrent des difficultés de recrutement.

Les raisons de ce relatif désengagement sont multiples, dont notamment la perte de sens, la surcharge de travail, l’inflation qui rogne le pouvoir d’achat, voire un manque de reconnaissance. Pour y faire face, les entreprises doivent repenser leurs pratiques et trouver les moyens de devenir plus attractives.

La prise de distance dans la relation par rapport au travail en entreprise

La crise du Covid a accéléré la désaffection des Français pour leur travail

Nous assistons à un phénomène préoccupant, accéléré par l’effet de la crise du covid. La, baisse d’intérêt des Français pour leur travail s’accentue malgré le discours récurrent des politiques sur la « valeur travail » et la place centrale des entreprises, et tout particulièrement les PME et les ETI.

Cette baisse s’inscrit dans un recentrage progressif des salariés sur leurs activités familiales, sociales et de loisir. Celles-ci sont devenues plus prioritaires, au détriment du travail. Ainsi selon l’IFOP, la proportion des Français accordant une très grande importance à leur travail a chuté de 60 à 24% en 30 ans ! Le travail se situe ainsi aujourd’hui à la 4e place en matière de priorité pour les Français. La relation des Français à l’entreprise s’en trouve ainsi fortement affectée.

Ceci est d’autant plus surprenant que leur indice de satisfaction envers leur situation professionnelle a peu bougé depuis 2003. Elle se situe en moyenne autour de 75%, l’année 2015 des attentats terroristes étant son point bas.

Source : Norme Ifop de climat social

Les écarts professionnels en matière d’importance du travail sont modestes (5 points de moins chez les ouvriers que chez les cadres). Il n’y a en outre quasiment pas d’écart générationnel, contrairement au cliché ayant cours. Par ailleurs, dans la relation au travail la notion de fierté est largement passée au second plan parmi les 5 termes de sécurité, routine, plaisir, fierté et contrainte, proposés aux personnes dans un sondage récent pour qualifier leur travail. On peut par conséquent affirmer que la relation au travail, s’est bel et bien dépassionnée au sein des entreprises.

Les répercussions en matière de vie au travail dans l’entreprise

Les cadres occupent une place clé dans leur rôle vis-à-vis des clients, dans la gestion opérationnelle et l’encadrement des autres salariés. A ce titre, leur engagement est fondamental pour assurer la maîtrise du business et sa performance économique. Fidéliser et renouveler ce capital humain en attirant de nouveaux talents constituent des sujets majeurs. Or selon l’étude APEC 5 enjeux pour l’emploi cadre en 2023, les difficultés de recrutement de cadres atteignent des sommets. 8 entreprises sur 10 prévoyant d’en recruter en 2023 s’attendaient à rencontrer des difficultés pour y parvenir.

Ces difficultés des entreprises à recruter provoquent dans 79% des cas une surcharge de travail pour les gens en place. Aussi, plus d’un cadre sur deux ressent occasionnellement sa charge de travail comme étant insurmontable, éprouve un épuisement professionnel ou vit un stress intense. Plus d’un cadre sur 7 le ressent fréquemment. Ces difficultés ne peuvent que distendre la relation au travail en entreprise. Celle-ci ne manque pas d’engendrer à son tour une perte d’efficacité pouvant toucher les clients et éroder la performance économique de l’entreprise.

Les nouvelles exigences des candidats au recrutement en matière de rémunération ou de conditions de travail (notamment la part de télétravail possible) peuvent exacerber les tensions au sein de cette population. Cela est d’autant plus vrai que ces salariés sont soucieux de mieux concilier leur vie professionnelle et personnelle. A cela s’ajoute leur ‘inquiétude concernant l’évolution de leur pouvoir d’achat.

La généralisation du télétravail au sein de cette catégorie de personnels est entrée dans les mœurs de façon probablement irréversible. Dans ces conditions, redéfinir une dynamique collective de travail, respectueuse de chaque individu, n’a rien d’évident. Car si le télétravail déteint positivement sur la motivation et l’autonomie et très positivement sur la qualité de vie et le bien-être au travail, les cadres eux-mêmes concèdent que celui-ci impacte négativement (légèrement leur semble-t-il) leur sentiment d’appartenance.

La relation au travail en entreprise est d’abord de nature affective et humaine

Or sans se confondre, rapport à l’entreprise et relation au travail sont intimement mêlés. Le lien à l’entreprise se nourrit de l’intérêt porté à son travail et du sens que l’on y trouve. Ainsi selon une enquête Ipsos pour l’Apec de juin 2022, le rapport à l’entreprise dépend fortement des relations interpersonnelles que l’on y tisse, et plus largement de la place accordée à l’humain au sein de la structure :

  • Ce rapport comporte bien entendu une dimension à la fois matérielle et de reconnaissance, à travers la rémunération, les conditions et outils de travail.
  • ­Il se pense dans l’articulation avec les autres sphères de la vie du salarié et l’équilibre de vie que soit il permet, soit qu’il abime.
  • ­Il s’inscrit dans l’instantané et l’immédiat mais aussi sur le temps long, au regard des perspectives qu’offre l’entreprise en matière de développement professionnel.
  • ­Il se pétrit et se moule par l’image que l’on se fait de son employeur, de sa réputation à l’extérieur et de l’utilité sociale qu’on lui prête.

Cette relation du collaborateur avec son entreprise est donc complexe et composite. Elle ne peut se résumer à un simple troc d’un travail contre un salaire.

Il est néanmoins important de souligner qu’une grande majorité des cadres (mais aussi des non-cadres) se déclarent satisfaits de l’intérêt des missions qui leur sont confiées. Près de 9 cadres sur 10 (ainsi que des non-cadres) jugent positivement la réputation et l’utilité sociale de leur entreprise. Les différences entre les cadres et les non-cadres se situent principalement au niveau des perspectives d’évolution qu’ils entrevoient, du respect de leur vie privée et du degré d’écoute de leur hiérarchie. Autrement dit, les cadres se sentent nettement plus valorisés en tant qu’individus que les non-cadres.

Les cadres sont pourtant plus engagés et investis

Aussi, on ne s’étonnera point que la majorité des cadres décrivent la relation à leur entreprise comme nettement plus affective que contractuelle (58 %). C’est une proportion nettement plus élevée que chez les non-cadres (49 %). Cette dimension affective, autour de valeurs et d’orientations partagées, peut résulter de l’ensemble des composantes identifiées précédemment. Mais en réalité elle découle tout particulièrement de la dimension humaine. Plus la trame des relations avec les collègues et les supérieurs est serrée, plus la culture de l’entreprise est jugée « humaine », c’est-à-dire favorisant les contacts humains. Cela conduit alors les salariés à qualifier d’affective la relation entretenue avec leur entreprise.

De cette relation découlent des liens profonds et positifs avec l’entreprise. Plus de 8 cadres sur 10 déclarent ressentir un sentiment d’appartenance réel à leur entreprise, lui être attachés et être fiers d’en faire partie. C’est un atout qu’il faut avoir à l’esprit, et sur lequel le management peut et doit s’appuyer.

Plus précisément, la grande majorité des cadres se disent investis dans leur travail (95%), voire très investis (59%). La plupart sont prêts à se surpasser pour dépasser les objectifs (85%) ou à travailler les soirs et weekends (68%). Ces éléments dressent un tableau fort éloigné des discours alarmistes sur la « démission silencieuse ».

En réalité, les cadres sont disposés pour la plupart à aller plus loin que simplement « faire leur travail » ou « remplir leur fiche de poste ». Ils souhaitent s’impliquer dans la vie de leur entreprise. 84% sont par exemple prêts à dégager du temps pour intégrer les nouveaux arrivants. 79% sont prêts à participer à des groupes de travail transversaux. Ils sont aussi enclins à agir comme des « ambassadeurs » de l’entreprise : en dire du bien et défendre sa réputation (84%), la représenter lors d’événements professionnels (76%) et partager ses actualités, notamment sur les réseaux sociaux (65%). Un tel terreau est par conséquent extrêmement fertile, reste à le faire fructifier.

L’engagement des salariés, un levier de performance ?

Pour tout dirigeant, les enseignements de ce qui précède soulignent l’importance vitale de conforter inlassablement l’engagement de l’ensemble de ses salariés. C’est là que se situe le pendant interne essentiel de la stratégie, gage de succès de son exécution. A cet effet, le personnel d’encadrement joue un rôle clé dans toute initiative visant à accroître cet engagement. Chaque membre de ce corps y trouvera la pleine expression de ses capacités managériales, à la fois techniques et humaines.

Notre prochain article approfondira cette notion d’engagement, ainsi que ses ressorts. Il la reliera, tout en la différentiant, à l’implication et la ce qu’on appelle communément la « motivation ». Il détaillera ainsi ses leviers, ses défis, et la manière de la mesurer ou du moins l’évaluer. Bref, il s’agira pour nous de définir les moyens d’en faire le résultat d’un processus intentionnel, piloté par le dirigeant et son équipe rapprochée (CoDir ou Comex), et mis en œuvre par l’encadrement intermédiaire.

Procédant de la même logique, l’article suivant examinera les différentes facettes d’une ambition complexe, elle aussi au cœur de l’engagement : donner du sens au travail.

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