Mesure de l'engagement des collaborateurs

Résumé

L’engagement est un enjeu majeur pour les entreprises. On mesure souvent l’engagement des collaborateurs par les indicateurs traditionnels, tels que l’absentéisme ou l’évaluation par les intéressés de leur bien-être au travail. Cependant, ces indicateurs ne sont pas vraiment appropriés.

L’engagement des collaborateurs se mesure en réalité par leur capacité d’aller au-delà de ce qui est attendu d’eux. Il s’agit donc de repérer les initiatives convergentes, c’est-à-dire les actions qui sont en accord avec les finalités de l’entreprise.

L’absentéisme, un indicateur trompeur de l’engagement

L’absentéisme est souvent présenté comme permettant d’apprécier voire de mesurer l’engagement des collaborateurs. C’est en réalité un indicateur limité à la mise en évidence du désengagement. En aucun cas il n’arrive à révéler un niveau d’engagement satisfaisant ! Comme le voyant rouge de température moteur, l’absentéisme ne sait signaler qu’un problème déjà critique.

Une part de la difficulté vient de ce qu’entre engagement et désengagement se dessine une large zone indécise. Cette zone floue peut fréquemment représenter une part significative du personnel. Elle regroupe les personnes qui ne sont pas vraiment engagées dans leur travail, mais pas manifestement désengagées non plus. Un tel désengagement silencieux est peu visible et, par là même, porteur de grand danger pour l’entreprise. Formulé à l’extérieur ou, plus dommageable encore, entre collègues, l’un des pires commentaires qu’il est possible d’entendre concernant une entreprise et son management est : « je fais mon travail, on ne peut rien me dire » !

Pourtant, dans leur grande majorité, ces personnes sont prêtes à s’engager dans un projet ambitieux si on leur offre un contexte favorable. Voilà ce qui commande le management à la fois puissant et humain !

La bonne ambiance au travail, un leurre si familier

De façon semblable, les enquêtes qui ciblent la bonne ambiance au travail peuvent se révéler trompeuses. Par exemple, regardons cette belle usine où des résultats économiques satisfaisants sur un marché “facile” cachaient un laisser-aller bon enfant. Une ambiance sympathique mais peu performante. Un retournement de conjoncture a poussé le management à renverser ses pratiques et appliquer des contrôles excessifs. L’amélioration des résultats a temporairement masqué une forte dégradation des relations sociales qui a finalement mis l’entreprise en danger. Heureusement, un nouveau dirigeant a rapidement réussi à structurer un système plus sain. Partant d’une ambition crédible, il a sollicité une large participation des managers pour définir et déployer la stratégie. Des plans d’actions concrets ont conduit à une performance durable, laquelle s’enracine dans la satisfaction concomitante des différents partenaires.

Un bien-être au travail satisfaisant est, bien-sûr, une condition nécessaire à la performance pérenne. Elle n’est cependant pas suffisante.

Mesurer l’engagement des collaborateurs

Le suivi de l’absentéisme et les sondages de bien-être au travail sont donc utiles mais très insuffisants.  Comment, alors, mesurer l’engagement ?

Nous proposons de l’évaluer par la capacité d’aller au-delà de ce qui est normalement attendu dans la description de fonction ou la fiche de poste. Il s’agit d’organiser le suivi attentif de toutes les “initiatives convergentes”, en ligne avec les finalités de l’entreprise. Un tel dispositif génère en outre de multiples occasions concrètes de stimuler et valoriser les personnes et les équipes. Ainsi, on alimente un climat encourageant basé sur le cercle vertueux participation-engagement.

Même une procédure qui, par nature, ne demande qu’une application conforme, peut adopter cette logique. Une introduction en expose les finalités, de façon simple et didactique. Cette présentation s’enrichira avantageusement d’une préconisation d’emploi : « si, dans un contexte donné, la mise en œuvre vous semble aller à l’encontre de ces finalités, coordonnez-vous avec le responsable du secteur pour décider de la marche à suivre. »

Comment mesurer l’engagement individuel

En faisant référence à un article précédent, nous proposons de différencier les activités d’une personne en “réaction” et “proaction”. La réaction décrit l’exécution de ce qui est explicitement défini et demandé, ainsi que la résolution des problèmes quotidiens. La “proaction”, quant à elle, qualifie les initiatives d’améliorations et la participation diligente à la réalisation de l’ambition.

Cette distinction permet au management d’évaluer l’engagement à partir de faits significatifs :

  • “Réaction –”: lacunes par rapport à ce qui était explicitement demandé, et pas ou peu de proaction.
  • “Réaction” : conformité par rapport à ce qui était explicitement demandé, et pas ou peu de proaction.
  • “Proaction” : quelques initiatives convergentes significatives, en accord avec l’ambition et les valeurs communes.
  • “Proaction + ” : nombreuses initiatives convergentes, individuelles ou avec d’autres personnes, en accord avec l’ambition et les valeurs communes.

Bien sûr à ajuster à chaque contexte. En théorie, on ne peut pas exclure le cas d’un mélange paradoxal de “proaction + ” et de “réaction – ”, qui combine de belles initiatives convergentes avec des défaillances sur l’exécution de ce qui était explicitement demandé. En pratique, cela n’arrive qu’accidentellement, car le niveau d’engagement nécessaire aux initiatives convergentes garantit aussi l’attention portée aux tâches quotidiennes.

Comment mesurer l’engagement collectif

La mesure de l’engagement collectif se fait de façon semblable.

Il est, par exemple, possible d’organiser le suivi systématique des I.A.R. (les idées d’amélioration réalisées dans une équipe). Pour cela, le mieux est d’ailleurs de se limiter au nombre brut, sans aucune pondération. Et, ainsi, d’éviter le risque de biais toujours plus ou moins décourageant.

Dans un site industriel mexicain, le management et l’encouragement d’un tel processus a mené au score apparemment incroyable de plus de 50 I.A.R. par personne et par an. Vous avez bien lu : en moyenne une amélioration par semaine pour chaque personne du site. À l’évidence, cette performance résulte d’un magnifique engagement des collaborateurs ! Engagement qui, à son tour, est l’aboutissement de pratiques managériales exemplaires ! Dix années de coopération infatigable du dirigeant avec ses équipes de management ont été nécessaires pour atteindre ce résultat, malheureusement encore hors du commun.

Mais au-delà de mesurer l’engagement des collaborateurs, regardons à présent comment on peut l’instiller.

Empowerment : de la liberté et de la rigueur pour un engagement bien aligné

Toujours positif, jamais naïf. Dans des contextes très variés, industriels ou de service, la question essentielle de l’empowerment est au cœur de conversations passionnées. Plusieurs dirigeants expriment leur prudence à ce sujet : « Si je leur laisse le champ libre, ça va être le bazar… »

Pour avancer vers l’engagement de tous, il ne s’agit évidemment pas d’instaurer un laisser-aller sans règles où tout et n’importe quoi est permis pour tous. L’entreprise a une finalité en produits ou services et des objectifs économiques. La construction de l’engagement ne peut en aucun cas s’accommoder d’une cohabitation avec le laxisme.

Bien au contraire, chaque espace d’autonomie s’organise dans le respect du cadre fourni par l’ambition et les valeurs communes. Ce qui exige aussi de sanctionner les “hors-jeux”. Comme dans le sport, le vocable hors-jeu est d’ailleurs une excellente façon de définir la différence entre les erreurs et les fautes : il y a faute lorsqu’il y a transgression des règles du jeu. Il est essentiel pour l’efficacité managériale de bien faire la distinction entre les deux situations. Heureusement, la grande majorité des difficultés sont des erreurs, et il n’y a faute que lorsqu’il y a infraction aux règles. Paradoxalement, une telle sanction factuellement justifiée est un pilier de la confiance.

En dernier lieu, la convergence avec la finalité dictée par la stratégie est ce qui mesure le mieux l’engagement des collaborateurs.

La finalité, le guide pour l’engagement des collaborateurs

Tout en restant en cohérence avec une même finalité, les objectifs peuvent varier en fonction des circonstances.

Il y a quelques années, alors que j’étais directeur Qualité, une évolution radicale et imprévisible du marché est apparue en mars. Tous mes objectifs de performance devenaient largement déconnectés des besoins de l’entreprise. En fin d’année, lors de l’entretien annuel formel, j’ai eu le contentement d’entendre mon CEO me dire, dès les premières minutes : « Nous ne regarderons même pas ce que nous avions écrit en janvier. Tu as su réorienter comme il le fallait les activités de ton département. »

A contrario, l’importance trop stricte souvent accordée aux objectifs annuels peut conduire à des déviations pernicieuses. Chacun connaît des exemples où une personne, voire une fonction, a su “faire son bonus contre l’entreprise”.

Dans les deux cas, le message est capital : les finalités doivent l’emporter sur la procédure ! Et, puisque la finalité reste toujours le juge de paix, le plus puissant moteur de performance reste bien l’engagement sincère !

Enfin, comme signalé à plusieurs reprises, la notion d’engagement est étroitement liée à la notion de sens. Derrière ce vocable se cache un concept complexe qui sera analysé en profondeur dans notre prochain article.

Nous publions régulièrement des articles de fond concernant les pratiques managériales qui permettent d’enraciner l’excellence économique et opérationnelle.

Retrouvez tous ces articles dans https://metisens.com/actualites-articles/

Equipe de partners METISENS