En bref

Nous assistons à une remontée spectaculaire de la sinistralité d’entreprises. Celle-ci a, à plusieurs titres, atteint durant le trimestre écoulé des niveaux tutoyant les records établis durant la période postérieure à la crise des subprimes.

L’impressionnante inflexion actuelle nous donne à réfléchir aux attitudes et comportements à adopter par le management des sociétés de taille moyenne quand surviennent d’importantes difficultés, pour préserver leur entreprise du naufrage et opérer son retournement.

Une sinistralité qui renoue avec les niveaux d’avant covid

Altares, référent en matière d’informations sur la santé économique des entreprises, vient de publier sa dernière étude des défaillances d’entreprises en France pour le 1er trimestre 2023. On en découvre plus de en hausse de près de 44 % par rapport à la même période de l’année dernière. Ces défaillances d’entreprises qui sont toutes, à l’exception d’ORPEA et de GO SPORT, des sociétés ne dépassant pas 100 M€ de chiffre d’affaires, remontent au niveau de 2018. Les trois-quarts débouchent sur une liquidation immédiate. Se situant ainsi à un niveau jamais atteint depuis 2017, les disparitions brutales sont le reflet d’une conjoncture baissière et inflationniste, accompagnée d’un renchérissement et d’une contraction du crédit bancaire, et exacerbée par le fardeau de la dette contractée durant la période de pandémie covid.

Lee ci-dessous, qui montre l’évolution brusque et inquiétante du rythme annuel sur 12 mois glissants de la sinistralité (défaillances et sauvegardes), est à ce titre éloquent :

Source : Altares, Étude de défaillances et sauvegardes des entreprises en France au 1er trimestre 2023

On assiste à une fragilisation préoccupante et à la réapparition de menaces existentielles pour nombre de PME-ETI (hors TPE), qui comptentdéfaillances dans leurs rangs, soit un niveau jamais vu depuis 2015. Cette nouvelle vague a aussi pour particularité de frapper tous les secteurs de l’économie à la seule exception de l’Agriculture. Mêmes les segments des services numériques et de l’édition de logiciel, que l’on pensait bien orientés, ne tirent pas leur épingle du jeu.

Une moins mauvaise nouvelle toutefois : si le nombre de défaillances de sociétés dépassant 100 personnes bondit de +65%, seules 21 % partent en liquidation directe.

Le mécanisme de descente aux enfers

Derrière chaque faillite d’une PME-ETI il y a bien sûr des problèmes extérieurs à l’entreprise. Un marché devenu moins porteur, l’arrivée d’une nouvelle concurrence, un renchérissement des matières ou de l’énergie, un changement des goûts et des modes de consommation etc. D’autres problèmes du ressort de elle-même peuvent également la frapper. La perte d’un gros client, des manquements en matière de qualité des produits, de délais ou de qualité de service, etc., Mais ce qu’on oublie trop souvent est que toutes choses égales par ailleurs, certaines sociétés survivront à ces problèmes tandis que d’autres vont y succomber. C’est là qu’intervient le facteur humain ; à savoir la manière dont la PME-ETI va se mobiliser pour réagir à la dégradation de sa situation.

Or force est de constater que dans bien des cas, cette réaction aux vents contraires est lente. Beaucoup se laissent bercer par l’illusion de la difficulté passagère. Ceci va les conduire à penser que redoubler d’efforts commerciaux ou faire des réductions de dépenses expéditives permettront de sortir de la zone de turbulences. Cette erreur fort répandue fait qu’un précieux temps est gâché et les difficultés, loin de s’estomper, ne font que s’aggraver. Le déni constitue ainsi un des terreaux les plus féconds de l’accidentologie d’entreprises.

Les mauvaises nouvelles s’enchaînent alors : résultats financiers en berne, tensions de trésorerie, réduction de la couverture d’assurance-crédit, dénonciation de lignes de découvert ou d’un crédit de campagne, tensions avec les fournisseurs à cause des retards de paiement, refus de livrer des matières ou des marchandises indispensables ou de délivrer des services essentiels, exigence de paiement à la réception, ruptures de contrats d’approvisionnement, etc. Ces problèmes arrivent sans crier gare et l’entreprise, faute de les avoir anticipés, les prend de plein fouet.

Le dirigeant va dans ces circonstances souvent perdre le recul nécessaire par rapport aux évènements et se muer en pompier à l’action en première ligne et sur plusieurs fronts. Des solutions ou plutôt des expédients vont être trouvés pour passer l’obstacle du moment. Par manque de temps, peu de travail d’analyse sera consenti et la priorisation de mesures toutes paraissant aussi urgentes se fera au fil de l’eau. C’est le fameux « passage à la lessiveuse » qui se met en place et celui-ci va peu à peu saper les bases de la clairvoyance.

Il est assez fréquent de voir un dirigeant se claquemurer dans un état de solitude et, de peur d’effrayer ses collaborateurs, passer sous silence la véritable nature des problèmes et leur réelle gravité. La gouvernance de l’entreprise sera également souvent tenue à l’écart, le plus longtemps possible, à l’instar de la famille même du dirigeant. Cet isolement pernicieux est à l’origine de bien de dépressions ou de burn-out dévastateurs, et   conduit au manque de combativité et à la résignation que l’on observe souvent chez ses proches collaborateurs.

Enfin, les actions décidées et menées dans de telles conditions sont pour la plupart de faible portée et elles se révèlent largement inefficaces.

C’est précisément cet enchainement tragique et l’effet domino qu’il sous-tend qui va conduire l’entreprise inexorablement au dépôt de bilan, voire à la liquidation. La situation se sera entretemps tellement dégradée qu’aucune procédure préventive ne pourra être envisagée, pas plus qu’une procédure de sauvegarde permettant à l’entreprise de se retourner.

Mais que doit faire la gouvernance de l’entreprise de taille moyenne pour se prémunir de tels dangers ?

Nous découvrirons cela dans notre prochain article sur la question qui décrit les différents stades par lesquels il faut passer pour éviter le crash.

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