Résumé

La performance économique d’une entreprise de taille moyenne ou intermédiaire est subordonnée (pour partie) au bon fonctionnement de son équipe de direction. Ce fait est intuitivement bien compris par les investisseurs avisés et les administrateurs d’entreprise expérimentés, mais les outils d’évaluation objective manquent cruellement à l’appel.

Se limitant à des considérations matérielles, procédurales, de connaissances, de compétences ou d’organisation, elles passent à côté des vraies conditions de succès d’un plan de progrès ou de transformation. La capacité du comité de direction de piloter de manière dynamique et cohérente l’entreprise n’est que rarement scrutée de façon rigoureuse.

Aussi pensons-nous indispensable d’introduire cette dimension dans tout diagnostic de performance économique d’une ETI, ou d’une PME de taille conséquente. Des recherches scientifiques ayant établi la prévalence d’un puissant lien de causalité entre certaines caractéristiques comportementales des équipes de direction et la performance financière de l’entreprise concernée, une pareille évolution s’impose à présent.

Fondements de la performance économique

La performance économique d’une entreprise n’est pas réductible à des questions d’ordre technique (à travers la mise en œuvre d’une comptabilité analytique adaptée au métier, se doublant d’un contrôle de gestion efficace). Elle n’est pas non plus gagée par (à travers l’attention portée à la gestion des budgets et la maîtrise des dépenses, l’allocation de ressources à bon escient et la qualité de leur gestion au quotidien).

Elle reflète en premier lieu les choix structurants opérés. La qualité de la vision stratégique, la justesse de l’analyse du marché, le choix d’un positionnement favorable dans la chaîne de valeur sont bien sûr primordiaux. Tout aussi déterminante est l’édification d’un modèle opérationnel distinctif, qui sera difficile par un concurrent ou un nouvel entrant, et qui permet de transformer les facteurs de production employés en valeur d’usage pour le client utilisateur du produit ou du service fourni par l’entreprise, au juste prix, pour dégager une bonne marge bénéficiaire.

En second lieu, elle résulte d’un pilotage suffisamment étroit de l’activité pour la conduire vers le succès. Cela implique de contrôler son évolution et la diriger lestement pour la maintenir peu ou prou sur la trajectoire tracée, ainsi que prendre les décisions diligentes pour parer aux obstacles rencontrés sur le chemin.

Mais surtout, en troisième et dernier lieu, elle dépend de la capacité de l’équipe dirigeante à « imprimer » une vision auprès de la base opérationnelle, de la faire adhérer à son projet de développement et d’obtenir d’elle l’engagement, l’initiative et les efforts nécessaires pour atteindre les objectifs de croissance et de rentabilité fixés en accord avec la Gouvernance de l’entreprise.

Dynamique de leadership

Dans l’entreprise de taille moyenne ou intermédiaire (200 à 2000 p.) qui constitue le terrain de jeu des cabinets spécialisés tels que le nôtre, il y a généralement peu de place pour la diversification des activités sous la forme d’un portefeuille d’activités autonomes. De ce fait, les décideurs au sein de l’entreprise sont interdépendants et ont besoin de l’instance directionnelle centrale (CoDir ou Comex) pour faire avancer leurs projets phares et résoudre les différents problèmes opérationnels critiques qu’ils rencontrent. C’est dans ce lieu que l’on forge une vision commune, construit la coopération interfonctionnelle, s’entraide, coordonne les efforts, hiérarchise les priorités d’action, suit l’avancement des sujets les plus essentiels, co-produit les décisions majeures et élabore les messages communs vis-à-vis du personnel.

Le bon fonctionnement de cette instance est en tout point primordial. Son dysfonctionnement peut se révéler car, soit l’entreprise se retrouve sans cap ou plombée par des consensus mous, soit les décisions adoptées sont insuffisamment suivies d’effet, mal comprises, diluées dans le tourbillon de l’activité quotidienne ou battues en brèche par un middle management circonspect au sein des différents silos fonctionnels.

Ce bon fonctionnement dépend tout autant du casting choisi par le Dirigeant et son board en matière de diversité, de complémentarité, et de compatibilité des caractéristiques individuelles, que de l’aptitude du Dirigeant à organiser les travaux, insuffler un bon tempo, imposer des comportements vertueux et instiller un esprit , de coopération et d’entraide au sein de l’équipe de management, créant une forte solidarité entre ses membres. C’est cet ensemble de critères qui permet de bien jauger la capacité de l’entreprise à mener à bon port son plan de développement. Nous nommerons tout cela la « Dynamique de Leadership ».

Analyse de la dynamique de leadership

La question qui se pose à présent est : comment intégrer cette notion a priori subjective de la dynamique de leadership dans un diagnostic de performance économique, et quel renseignement procure-t-elle en matière de performance ?

Dans un premier temps, interrogeons-nous sur ce qui doit être apprécié. Notre évaluation procède de la méthode de mesure de la dynamique d’équipe dérivée d’un corpus méthodologique plus complet (Return on Character®). Cette méthode peut aider les comités de direction à comprendre à quel point elles sont alignées et efficaces en tant qu’équipes en examinant les aspects clés du fonctionnement de leur cercle restreint.

Ainsi, les questions que nous incluons dans nos diagnostics visent à évaluer les points suivants :

  1. L’établissement d’une finalité, d’un but et d’objectifs communs
  2. La définition des rôles et des champs de responsabilité de chacun
  3. Le processus de prise de décision et sa façon d’exploiter l’intelligence collective
  4. La mise en œuvre de méthodes participatives de résolution de problèmes
  5. Le contenu, l’organisation et l’efficacité des réunions de direction
  6. La planification des actions et leur suivi d’avancement
  7. La qualité du dialogue et de la communication au sein de l’instance de direction
  8. La responsabilisation des uns et des autres et la solidarité collective
  9. La confiance partagée en l’avenir et le regard optimiste sur les chances de succès de l’entreprise commune

Ces questions permettent de situer toute entreprise étudiée sur une échelle allant par exemple de 1 à 9, tout en comparant la perception du Dirigeant (Barbara dans l’exemple choisi) à celle de ses équipes, de manière globale :

Et pour l’un des 9 critères susmentionnés :

On constate que dans cet exemple (tiré d’un cas réel, bien évidemment anonymisé) le CEO est relativement lucide sur le fonctionnement général de son COMEX, mais que s’agissant de la question de la confiance réciproque et de la foi dans les chances de réussite, un important hiatus apparaît entre la relative confiance du Dirigeant et le caractère mitigé voire écorné du sentiment de confiance au sein de son équipe.

Une analyse plus fine peut être faite pour chaque item du questionnaire que nous utilisons dans nos diagnostics afin de mesurer le degré de convergence des différentes réponses des membres de l’équipe sur tel ou tel point particulier.

Ainsi concernant la première ligne du tableau ci-contre, on observe un très large écart des réponses, avec une fourchette allant de 3 à 7, la réponse la plus fréquente (le Mode) étant celle choisie par le CEO.

Dans la seconde ligne, le CEO se retrouve isolé en haut de la fourchette. Dans la troisième ligne, nous remarquons à nouveau un très fort écart des réponses, la réponse la plus fréquente étant également celle du CEO.

Ces divergences permettent de détecter un problème enfoui qui justifie qu’on soumette les résultats en tant qu’input brut à l‘équipe pour l’interpréter ensemble, dans l’idée d’engager une discussion sur les causes possibles à l’origine de la diversité des ressentis. Ce type d’échanges est propice à des échanges fructueux portant sur des non-dits générateurs de difficultés et révèle certains désaccords ou conflits non résolus qui handicapent le bon fonctionnement du groupe.

Impact sur la performance économique

Pourquoi ce sujet est-il si essentiel ? La capacité de l’équipe dirigeante de faire bloc et de conduire l’activité de manière cohérente, sans dissentions ni fausses notes, toujours détectées par les subordonnés, est essentielle pour emporter leur adhésion. Quant au climat au sein du cénacle de direction, celui-ci est tout aussi important pour maintenir la motivation de tous ses membres à un niveau élevé, et éventuellement de venir aussitôt en aide à ceux qui doutent ou rencontrent des difficultés dans l’exercice de leurs fonctions.

Par ailleurs, la réputation de la direction auprès des collaborateurs est l’un des meilleurs prédicteurs du succès de l’organisation dont elle a la charge. Grâce à 7 années de recherche portant sur plus de 100 organisations et plus d’un million de points de données recueillis, il a été établi par notre partenaire KRW International, au moyen de techniques statistiques rigoureuses, que les caractéristiques de l’équipe de management telles que perçues par les collaborateurs constituent l’un des meilleurs prédicteurs de succès d’une organisation. Les équipes dotées des meilleures notes produisent en moyenne une rentabilité des actifs (ROA ou Return On Assets) 5 fois plus élevée, +26% d’engagement des employés et maîtrisent bien mieux les risques business que leurs pairs individualistes, centrés sur eux-mêmes et qui manquent de cohésion interne.

Le type d’analyse que nous préconisons dans cet article trouve ainsi toute sa place dans un diagnostic intégral de la performance économique d’une entreprise de taille moyenne ou intermédiaire. Il vient compléter à point nommé les aspects plus techniques concernant la 7e question fondamentale de ce diagnostic (Pilotage). Il peut également être appliqué dans le cadre d’un diagnostic limité, si l’on pressent que le bât blesse à ce niveau.

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