Résumé
Suite à la publication de l’étude d’Altares portant sur les défaillances d’entreprises en France pour le 1er trimestre 2023, nous avons été conduits à réfléchir sur les bons réflexes à adopter par le dirigeant d’une PME-ETI pour limiter au maximum le risque de défaillance de son entreprise.
Dans notre précédent article sur le sujet, nous nous sommes livrés à une mise en perspective du changement soudain du climat des affaires auquel nous assistons actuellement. Puis nous avons décrit le cheminement conduisant aux erreurs les plus communes qui plombent la capacité de sursaut.
Dans cet article, nous proposons une démarche comprenant 7 principes simples pour éviter qu’un accident de parcours ne se transforme en drame.
La situation de crise de cash
La crise de trésorerie arrive généralement à pas et ne se manifeste que rarement par un fracassant coup de massue. Tout commence par l’apparition de signes équivoques de tension de trésorerie, qui oscillent tout en s’accentuant progressivement.
Or peu de PME-ETI sont équipées de bons instruments de prévision et de pilotage de leurs liquidités à court terme. Elles ne se sont, dans le meilleur des cas, dotées que d’une projection trimestrielle établie statiquement sur la base du budget de l’exercice. Ce dernier est lui-même trop optimiste dès lors que la société est dans une mauvaise passe, ce qui fausse cette projection. Celle-ci se trouve en effet, en contexte de sous-performance, invalidée par la réalité de l’évolution du chiffre d’affaires et du besoin de fonds de roulement. Elle n’est par ailleurs que rarement mise à jour en cours d’exercice.
De plus, une telle projection trimestrielle établie le plus souvent par une approche bilancielle méconnait la saisonnalité effective et surtout la dynamique temporelle des flux d’encaissement et de décaissement. De plus, elle ne prend pas en compte les pics et creux de trésorerie en cours de trimestre, qui peuvent être très marqués, engendrant d’importants bonds intra-mensuels du besoin de financement. De sorte que l’entreprise se retrouve dans la situation très inconfortable de devoir naviguer à vue et elle vit la situation comme une succession ininterrompue de montagnes russes.
Si en outre le dirigeant et sa garde rapprochée se laissent déborder par les évènements en commettant les quelques erreurs classiques de jugement et de comportement que nous avons décrits dans notre précédent article, la situation va petit à petit tourner à la catastrophe et devenir incontrôlable. C’est dans ces circonstances que se met en place le fameux « passage à la lessiveuse » qui va épuiser le chef d’entreprise et son équipe financière et démobiliser le restant de son équipe.
La règle des 7A pour diminuer les risques
Le premier principe est de reconnaître la difficulté à travers ses signes annonciateurs. Pour cela, l’entreprise aura avantage à se doter d’une bonne gouvernance externe, avec des administrateurs expérimentés et objectifs, qui se réunissent plusieurs fois par an et sont bien informés par l’entreprise au moyen d’un reporting régulier et de bonne tenue. Ceux-ci sauront en général détecter à temps les signes précoces de danger, et fort de leur vécu, insister pour qu’à la fois des mesures d’endiguement soient mises en place sur le champ et qu’un diagnostic solide et complet de la situation, par un cabinet dont c’est le métier, soit conduit dans les plus brefs délais. Dès lors, Admettre que l’on rencontre un sérieux problème est le pas psychologique à franchir, souvent difficile à franchir.
Le deuxième principe est celui de la nécessité de déclencher des contre-mesures immédiates qui permettent d’éviter que l’on perde progressivement le contrôle de la situation. Il peut s’agir par exemple de se rapprocher de certains fournisseurs ou partenaires et de leur demander du soutien, de mettre en vente un actif rapidement réalisable, voire de prendre attache avec le Président du Tribunal du Commerce pour envisager un mandat ad hoc. Il faut en tout cas s’abstenir de pratiquer la politique de l’autruche et aller au-devant des problèmes. Ainsi, Anticiper constitue la marche suivante à gravir.
Le troisième principe est celui de l’étude approfondie de la situation pour en élucider les causes, mettre en évidence les leviers et construire le plan de progrès. Sachant qu’il est peu réaliste qu’une entreprise qui s’est laissé rattraper par les difficultés dispose des capacités adéquates d’analyse, il est préférable de recourir à une expertise externe rompue à la conduite de diagnostics de performance stratégique, opérationnelle et financière. Aussi, Analyser la situation de manière approfondie est un préalable à l’action corrective même si cela peut occasionner une dépense imprévue substantielle en des temps difficiles.
Le quatrième principe est celui du partage des conclusions du diagnostic avec les proches collaborateurs du dirigeant et son board, puis plus largement au sein de l’organisation. Un diagnostic n’est en effet utile que s’il est compris afin de déclencher le passage à l’action. Ce dernier est d’autant plus assuré que l’appropriation du diagnostic et son intériorisation ont été accomplis et que le plein support d’administrateurs influents est obtenu. Il faut donc Associer les proches collaborateurs du dirigeant à la bonne compréhension de la situation et enrôler suffisamment de forces vives de l’entreprise pour qu’une communauté de destin voit le jour. Il faut également sceller un pacte de confiance avec les administrateurs pour les garder attentifs et motivés pour venir en aide l’entreprise.
Le cinquième principe consiste en la mise en œuvre diligente du plan de retournement défini. Si seul le dirigeant est légitime pour en être le porte-étendard, il doit toutefois « mouiller » ses plus proches collaborateurs pour pouvoir leur en déléguer la majeure partie de la réalisation. Car dans ces moments critiques le dirigeant doit absolument réserver du temps pour les tractations et les négociations les plus déterminantes, sans pour autant laisser échapper de son champ de vision l’état de progression du plan d’exécution. C’est donc à lui qu’il revient d’Actionner le plan tout en restant à bonne distance de la mêlée.
Le sixième principe est celui de de la supervision par le dirigeant de la mise en œuvre du plan par un pilotage bien dosé, pour garder la maîtrise des opérations sans verser dans la surimplication. Il incombe en effet au dirigeant de ne pas se laisser submerger par une charge de travail insupportable l’empêchant de faire face aux activités critiques de son ressort. Il lui faut également garder le contrôle car lui seul est comptable de la réussite ou de l’échec du plan. Pour atteindre ce délicat équilibre, il faut savoir Animer l’ensemble de l’organisation dans sa mise en œuvre de chantiers parallèles, veiller à leur bonne coordination et bien allouer et répartir les ressources au bon endroit.
Enfin, le septième et dernier principe est celui de l’ajustement adaptatif pour éviter de retomber à l’avenir dans des écueils similaires. La mise en œuvre d’une boucle PDCA d’amélioration continue (roue de Deming) est salutaire à cet égard. C’est la responsabilité du dirigeant, assisté par un conseil externe de bon niveau de prendre soin de mettre en place cet antidote puissant. Apprendre des erreurs commises, et agir avec détermination pour qu’elles ne se reproduisent plus, est la mère de toutes les vertus.
A propos de l’auteur : Samer Roumieh, Président fondateur de METISENS a été l’auteur de plusieurs retournements réussis d’entreprises en difficulté. Le contenu de cet article émane non seulement de son expérience et de sa pratique personnelle, mais également des différentes situations qu’il a pu observer de près en prêtant son concours dans le cadre d’interventions de management de crise.
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