Résumé

Une commande d’un produit ou d’un service comprenant une dose significative de nouveauté nécessite un développement unique à réaliser en mode projet.

Contrairement à une croyance répandue, la qualité du management d’un projet ne se réduit pas aux compétences du manager du projet ou de son équipe rapprochée. Le management de projet repose sur la compétence collective de l’entreprise en la matière.

Retards, surcoûts, non-qualité, mal-être au travail et conflits interpersonnels sont fréquemment observés sur les projets.

Pour prévenir ces risques, des précautions doivent être prises sur le volume, la complexité et la gouvernance du portefeuille d’affaires, l’opportunité et la faisabilité de la standardisation de l’offre, la clarification du processus de management des projets et la capacité de ses acteurs à le mettre en œuvre, ainsi que l’acculturation de l’entreprise au mode projet.

Les difficultés du management de projets

Dans de nombreuses entreprises, une partie de la valeur ajoutée des affaires (*) est constituée d’activités relevant du management de projets (*), c’est-à-dire d’activités non répétitives et dont le contenu est chaque fois différent. Il s’agit par exemple d’activités d’ingénierie ou de production sur mesure, avec des livrables précis et des dates de début et de fin déterminées.

Dans bien des cas, les dirigeants observent dans ces activités des retards, des dépassements de temps alloués ou des insatisfactions sur les livrables attendus exprimées par les clients ou des parties prenantes internes. L’intensité de travail peut également être irrégulière, produisant des pertes de productivité dues aux changements fréquents de tâches à réaliser et également du stress, des à-coups dans la facturation et une gestion difficile du BFR. La rentabilité des affaires en est dégradée, par des marges réelles inférieures aux marges espérées du fait de coûts supérieurs aux budgets prévus, voire du fait de pénalités de retard ou de reprises sur garanties.

Des conflits internes peuvent provenir de ce stress et des insatisfactions aux interfaces lors du passage de relai d’une tâche à une autre. Par exemple, le bureau d’étude se plaint des spécifications du client transmises par le service commercial ; le service méthodes se plaint des dossiers de conception fournis par le bureau d’études ; l’atelier se plaint des gammes fournies par le services méthodes.

Il est probable qu’il y ait un problème de management des projets dans ces entreprises : est-il structuré ? sous contrôle ? complet ? c’est-à-dire toutes les fonctions du management de projet sont-elles couvertes, qu’il s’agisse de la gestion de la définition du produit, de la planification des tâches, de l’estimation des temps et des coûts, de l’organisation du projet, de son pilotage, de la prise en compte des aléas et de l’amélioration continue au travers des retours d’expériences.

Des problèmes d’organisation, de process et de compétences

Bien entendu d’autres causes peuvent contribuer et contribuent très probablement aux désordres rencontrés, qu’il s’agisse de ressources humaines ou matérielles insuffisantes par rapport à la charge de travail, des spécifications instables du client, d’une trop grande complexité du portefeuille d’affaires. En outre, et c’est un cas très fréquemment rencontré, les processus internes peuvent être incompatibles avec une bonne gestion de projets, qu’il s’agisse de processus de pilotage de l’entreprise, de gestion financière ou de gestion des ressources humaines. Le mode projet peut également heurter les schémas de pensée en interne, notamment si les processus opérationnels privilégient la standardisation des procédés alors que le projet, par définition, comprend une incertitude significative qui limite précisément la standardisation du travail.

Le management de projet repose sur une compétence collective de l’entreprise et non pas sur les simples compétences des managers de projets.

Les formations à la conduite de projets sont devenues une commodité : des chefs de projets ont été formés et reformés dans beaucoup d’entreprises sans améliorer la performance des projets pour autant. Des recrutements de chefs de projet vedettes chez des concurrents n’ont pas apporté les bénéfices attendus, voire dans certains cas, ont donné lieu à une aggravation de la situation. Les référentiels de conduite de projets mis en place apparaissent très vite comme bureaucratiques et déconnectés de la réalité du terrain.

Nous observons que quand elles sont défaillantes, certaines fonctions de gestion de projets sont prises en charge par d’autres responsables de l’entreprise que les directeurs de projets. Par exemple, dans certains cas, la véritable planification des projets est prise en charge par les responsables d’unités opérationnelles, la maîtrise des coûts est l’affaire du contrôle de gestion, le management des contributeurs du projet est fait par leurs responsables hiérarchiques.

C’est pourquoi le diagnostic du management de projet en vue d’une plus grande performance économique de l’entreprise doit non seulement porter sur les fonctions du management de projet, mais également sur le contexte global dans lequel il opère.

La construction d’un plan de progrès

Il s’agit dans un premier temps de comprendre comment sont réalisées les fonctions du management de projet, que cela soit fait par l’organisation projet en elle-même ou à l’extérieur de celle-ci. Suit alors une analyse des situations à problèmes rencontrées et de leurs impacts sur la performance économique. Ces situations peuvent être des retards, des non-qualités, des surcoûts considérables ou des situations de souffrance au travail inacceptables. Cette analyse permet d’identifier et d’agir sur les causes racines de ces problèmes, à l’intérieur ou à l’extérieur du système d’action formel de réalisation des projets.

Le plan de progrès qui en résulte dépend bien entendu de ce diagnostic et est propre à la situation unique de l’entreprise. Quelques remèdes sont toutefois fréquents :

  • une réflexion sur le portefeuille d’affaires et son ajustement en fonction du rapport bénéfice/coût, en prenant en compte le coût induit par la complexité du portefeuille,
  • la standardisation dans l’offre de ce qui peut être standardisé, en optimisant le rapport gain de la différenciation notamment en matière de fidélisation des clients / coût d’ingénierie et de gestion de la complexité,
  • la mise en place d’un pilotage centralisé des affaires : dans la mesure où les mêmes ressources sont utilisées dans plusieurs projets, cette gouvernance dans les ETI gagne à être faite par le Comex et reposer sur des indicateurs et tableaux de bord spécifiques aux activités projets,
  • la clarification et la précision du processus de management des projets, incluant le niveau de formalisme nécessaire et suffisant à une bonne coordination des projets et un lexique de référence,
  • l’ajustement des ressources allouées aux projets au regard de la charge de travail induite par le processus ; notamment combien de projets attribuer à un chef de projets, un responsable de lots de travaux ou un contributeur, en prenant en compte le travail réalisé par ces ressources en dehors des projets,
  • la montée en compétences des acteurs impliqués dans le management des projets,
  • l’acculturation de l’entreprise au mode projet : le mode projet repose en effet sur une autorité de décision et de coordination transversale, qui co-existe difficilement avec une vision hiérarchique du management,
  • la mise en place des outils informatiques nécessaires au pilotage des projets.

Ainsi, une vision d’ensemble en matière de projets et de leur environnement doit être développée et s’accompagner de l’acquisition de compétences de nature managériale en plus des compétences techniques. Ceci conditionne l’atteinte d’un bon niveau de maîtrise du portefeuille de projets générateurs de chiffre d’affaires. Ces éléments agissent d’après notre expérience comme des pierres angulaires, assurant la prévisibilité et la robustesse des résultats de l’activité.

Nous avons traité dans cet article la question des projets inclus dans le processus opérationnel de l’entreprise. Or il existe dans les entreprises des activités projet internes transversales aux affaires, comme par exemple des projets de transformation organisationnelle, la mise en place d’un ERP, des changements de machines, … Ces projets font appel à une gouvernance et une organisation spécifiques. Ils feront l’objet d’une publication ultérieure.

(*) Les définitions du « management d’affaires » et du « management de projets » sont loin d’être partagées d’une entreprise à l’autre. Nous prenons le parti de cet article d’appeler « affaire » un contrat incluant au moins un livrable spécifique, et « projet » le travail nécessaire à la réalisation des livrables spécifiques.

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