Résumé
Lorsque surviennent les difficultés, l’instance de gouvernance peut servir d’aiguillon, en posant les bonnes questions dès qu’apparaissent des signes avant-coureurs, en poussent le management à réagir promptement et le pressant de se faire aider. Dans un grand nombre d’entreprises restées entièrement dans le giron familial, la gouvernance, trop souvent dominée par leur dirigeant, peine à jouer ce rôle essentiel de vigie et de garde-fou. Et à l’arrivée de difficultés, la prise de conscience du danger est tardive, avec un temps précieux gaspillé avant de réagir de manière un tant soit peu appropriée.
Mais il nous est également arrivé de voir des entreprises bien entourées en proie à des syndromes comparables. Est alors souvent en cause la communication au sein des instances de gouvernance, en proie au manque de transparence. Dans ce cas, l’arrivée d’un conseil spécialiste des situations de sous-performance et indépendant de toute influence, peut contribuer à dénouer ces situations complexes, en recentrant le débat sur une base incontestable de conclusions dérivées d’une analyse complète, précise et exempte de tout parti-pris.
Quelles que soient les circonstances, le Conseil ne doit pas se laisser happer par l’action immédiate au détriment du travail de fond sur le diagnostic intégral, étayé par les données et les faits recueillis directement sur le terrain, et doit rester ferme sur la nécessité de produire ce diagnostic pour structurer et canaliser l’action future.
Rôles clés de la gouvernance et des conseils
L’exemple de MEDASIP illustre à première vue le cas de milliers d’entreprises moyennes et intermédiaires (EMI) françaises n’ayant pas ouvert leur capital à des investisseurs professionnels. Celles-ci se trouvent démunies et quelque peu ballotées lorsqu’elles sont confrontées à de sérieuses difficultés. Le fait que l’entreprise connaisse mieux que quiconque son activité et son secteur ne peut suffire à lui seul, sans le concours d’un œil extérieur exercé à la détection précoce des difficultés. Or dans ces entreprises restées entièrement dans le giron familial, la gouvernance, trop souvent dominée par leur dirigeant, peine à jouer son rôle essentiel de vigie et de garde-fou. Des administrateurs expérimentés, qui servent d’aiguillon en posant les bonnes questions dès qu’apparaissent des signes avant-coureurs, poussent le management à réagir promptement et le pressent de faire appel à une aide externe spécialisée et au regard neuf, leur manquent cruellement.
En outre, la concentration du pouvoir autour d’un patron isolé dans les moments clés de décision a pour effet néfaste de déresponsabiliser les cadres clés de l’entreprise. Un fonctionnement ritualisé voire routinier s’installe, ponctué par des moments de suractivité sporadique, peu féconde au demeurant. Cet isolement ôte à ces entreprises de précieux ressorts pour lutter efficacement contre l’adversité. Des choix d’investissements échappant à l’examen critique, ainsi que d’éventuelles opérations de croissance externe pas toujours judicieuses, apportent leur lot de complications. Une étude de BPIFrance Le Lab a mis en lumière sur une base statistique plus large ce syndrome de l’isolement du pouvoir et décrit ses effets, que nous observons souvent à notre plus modeste échelle. Elle recommande d’ouvrir le capital de l’entreprise et de s’entourer de conseils de bon niveau.
A cela s’ajoute le fait que la pratique régulière de l’analyse de la performance des process (pour peu que ces process soient formalisés et respectés) et du traitement statistique des données émanant du terrain, fait souvent défaut au sein de ces EMI. Un déficit de confiance dans les systèmes informatiques de gestion, l’absence de canaux fiables de remontée d’information ou des lacunes en matière de compétences analytiques, ont pour effet de laisser le champ libre à l’intuition pure et à la pseudo analyse.
Quand viennent les difficultés, la prise de conscience du danger est tardive, avec un temps précieux gaspillé avant de réagir de manière un tant soit peu appropriée. Ces entreprises peuvent ainsi trébucher et dans certains cas finir par sombrer ou être récupérées à vil prix par un concurrent, un client, un fournisseur ou un investisseur perspicace. Qu’il est dommage d’assister à la destruction d’autant de valeur patrimoniale accumulée sur plusieurs décennies, alors que cela aurait pu être évité grâce à l’intervention en temps utile d’un conseil spécialiste des situations de sous-performance. Par son travail à la fois sur les leviers de nature technique et organisationnelle et la dynamique de l’équipe de direction, il peut identifier précocement les mesures à prendre pour redresser la situation avant qu’elle ne soit rendue irréversible.
Mais il nous est également arrivé de voir des entreprises entourées par des fonds d’investissement en proie à des syndromes comparables. Est alors souvent en cause la communication au sein des instances de gouvernance, en proie à un manque de transparence. Pour différentes raisons, suite à l’apparition à un moment donné d’une incompréhension ou de dissensions entre le dirigeant et ses actionnaires, les relations se sont tendues et la qualité du dialogue s’est irrémédiablement détériorée. Le dirigeant garde ses problèmes pour lui, partageant peu ses difficultés et les mesures correctives envisagées, érige un « écran de fumée » ou s’enferme dans le déni. Le rôle d’un conseil, spécialiste des situations de sous-performance et indépendant de toute influence, est de contribuer à dénouer ces situations complexes, en recentrant le débat sur une base incontestable de conclusions dérivées d’une analyse complète, précise et exempte de tout parti-pris. C’est l’objectif premier de ce que nous appelons un « diagnostic intégral » qui permet de poser les bases de la restauration de la gouvernance.
Il convient cependant de garder à l’esprit que les consultants sont souvent regardés avec circonspection par les EMI, considérant que leurs recommandations ne sont pas toujours assez concrètes et bien calibrées par rapport aux contraintes de ressources. Pour répondre à ces réticences, l’équipe de conseil doit posséder un important vécu opérationnel, lui permettant de mettre en œuvre des mesures d’urgence en cours de mission de diagnostic. Mais elle ne doit cependant pas se laisser happer par l’action immédiate au détriment du travail de fond sur le diagnostic intégral, étayé par les données et les faits recueillis directement sur le terrain, et doit rester ferme sur la nécessité de produire ce diagnostic pour structurer et canaliser l’action future.
Nous ne saurions trop insister sur la recherche du bon équilibre entre indépendance de vue et proximité du Conseil avec l’entreprise cliente. L’excès dans le premier sens a pour effet de connoter le diagnostic (en situation de sous-performance avérée) de relents d’audit, voire de le faire percevoir comme un acte hostile. Notre expérience est que cela aboutit au rejet, sinon à des acquiescements polis ou des accords en faux-semblant, ôtant ainsi toute utilité à l’exercice. A l’inverse, une trop grande perméabilité du Conseil aux vues de l’équipe dirigeante de l’entreprise comporte le risque de pressions visant à faire confirmer les thèses du management, au mépris de toute rigueur et objectivité.
Il incombe donc au Conseil de garder ses distances durant la période cruciale d’analyse et de rester peu disert sur ses constats à ce stade de sa mission, tout en s’astreignant à recouper avec soin les résultats obtenus avec la réalité observée sur le terrain. Vient ensuite le moment du partage des constats et de leur discussion qui doit se dérouler sur un mode très ouvert avec l’équipe dirigeante de l’entreprise pour s’accorder sur le faisceau de raisons conjuguées à l’origine de la sous-performance. Ceci est une condition nécessaire (mais non suffisante) de la réussite d’une mission de diagnostic.
Vient après et dans la foulée, la participation de l’équipe dirigeante au choix « ambitieux et raisonné » des leviers actionnables, qu’il incombe au Conseil d’intégrer dans un Plan de Progrès cohérent et quantifié. Ceci est gage de sensibilisation de tous à l’enjeu et de leur future appropriation par l’entreprise. Ce plan doit ensuite obligatoirement passer l’épreuve du feu de la revue par l’instance de gouvernance de l’entreprise, qui permet de faire atterrir toutes les parties sur une feuille de route commune, d’arbitrer certains investissements et efforts nécessaires, d’entériner le plan et le mettre aussitôt mis en mouvement.
Enfin, un accompagnement assidu et attentif dans les premières semaines de la mise en place des actions est le plus souvent indispensable pour lui assurer un démarrage dynamique et l’atteinte de ses objectifs dans la durée. L’entreprise ne disposant pas toujours de tout le savoir-faire et des outils appropriés à la conduite des transformations requises, elle a besoin d’une aide pour accélérer l’acquisition de compétences et d’outils.