Résumé

A l’issue du diagnostic de cette société en difficulté, nous constatons que l’entreprise va faire face à brève échéance à une crise de trésorerie majeure. La thèse « officielle » selon laquelle l’entreprise serait victime de problèmes passagers dus à la santé de son principal client, se révèle inexacte, les problèmes étant de nature structurelle. Nous insistons sur la nécessité pour l’Entreprise d’être désormais pilotée par le cash, avant d’engager les transformations structurelles que nous préconisons également.

Cet exemple illustre le fait qu’à l’apparition de difficultés sérieuses pouvant sembler de prime abord passagères ou de nature conjoncturelle, il est important de recourir sans délai à un diagnostic intégral réalisé par un Conseil aguerri à cette discipline.

La situation

Nous avions présenté dans le précédent article le Groupe familial MEDASIP qui emploie quelque 1200 personnes et réalise près de 200 M€ de CA. Ce Groupe connait des difficultés économiques exacerbées par la brutale réduction des garanties octroyées par les assureurs crédit aux encours de son plus gros client, ce qui a déclenché des effets en cascade ayant pour résultat de couper une part importante du financement dont jouissait l’entreprise.

Eu égard au caractère persistant de la situation et à l’apparition de pertes conséquentes, le PDG a fini par se résoudre à faire appel à une assistance externe pour établir un plan de redressement et procéder au recrutement d’un directeur général « hands-on » pour animer ce plan et le mener à bien. Un diagnostic stratégique, opérationnel et financier complet nous est demandé afin d’identifier les leviers d’amélioration prioritaires et préparer, en accord avec le PDG, le plan de route du futur DG.

Le Plan de Progrès

L’immersion de plusieurs semaines dans l’entreprise permet d’aboutir à un état des lieux complet, sans fard, étayé par des analyses fouillées aussi bien quantitatives que qualitatives. Nous alertons le dirigeant sur le risque qu’en l’absence d’action rapide, l’entreprise devra faire face à brève échéance à une crise de trésorerie majeure. Nous lui révélons d’ailleurs que la thèse « officielle », validée par un Big Four et relayée auprès des partenaires financiers, selon laquelle l’entreprise serait victime de problèmes passagers dus à la santé de son principal client, est inexacte et que les problèmes sont de nature structurelle. Notre diagnostic se conclut par un plan de progrès en deux parties, court et moyen terme, plan que le PDG valide au terme d’une longue séance de restitution et de discussion.

A court terme, nous mettons en exergue la nécessité pour l’Entreprise d’être désormais pilotée par le cash, estimé en s’appuyant sur des prévisions de business fiabilisées. Il faudra aussi élaguer son offre de produits en parant au plus pressé pour préserver le cashflow, et s’astreindre à gérer les dépenses avec davantage de rigueur.

S’agissant de la phase moyen terme de ce plan, celle-ci comprend une série de mesures structurelles consistant à : i) renforcer le contrôle de gestion et responsabiliser les décideurs à tous les niveaux ; ii) resserrer les gammes de produits existantes pour juguler l’impact dévastateur de la complexité occasionnée par la trop grande variété d’offre (effet mis en évidence et quantifié par notre diagnostic), tout en recalibrant le volume plancher requis pour l’introduction de nouveaux produits ; iii) densifier la couverture commerciale en redéployant la force de vente ; iv) alléger la structure de coûts et raccourcir la chaîne de décision en simplifiant l’organisation. Ces mesures sont destinées à abaisser drastiquement le point mort. Celui-ci, si élevé que l’entreprise est dans le rouge durant plusieurs mois de l’année, devra recoller au creux de la courbe de saisonnalité afin que plus aucun mois ne soit déficitaire (cf. courbe de saisonnalité ci-dessous, établie par nos soins).

S’agissant du pilotage du cash qui est le sujet critique immédiat, et en l’absence d’un outil opérationnel de prévision de la trésorerie, nous sommes conduits à construire au débotté un modèle simplifié qui, à partir de l’anticipation actualisée mensuellement des recettes et des charges, permet de projeter l’évolution des besoins de trésorerie. Nous redéfinissons et mettons en œuvre aussitôt le processus de prévision de la demande pour fiabiliser le plan de production, optimiser les achats de matière première et réduire le recours à l’intérim de production.

Dans le contexte délicat qui s’annonçait, le PDG réalise avec nous que l’entreprise doit être gérée en mode crise sans attendre l’arrivée du nouveau DG. Tout en adoptant un régime draconien consistant à limiter ses dépenses au strict minimum et à restreindre fortement l’usage de son cash, il doit accepter de sacrifier un pan important de produits à faible volume qui détruisent la rentabilité des produits à forts volumes et consomment inutilement du cash. Nous recommandons également la mise en place d’une réunion hebdomadaire de Pilotage du Cash associant les principaux décideurs de l’Entreprise pour aligner les décisions opérationnelles sur les disponibilités prévisionnelles de trésorerie et effectuer sur le champ les arbitrages et recadrages nécessaires. A cet effet, nous proposons d’aider l’Entreprise à construire la déclinaison hebdomadaire du modèle mensuel de prévision que nous avions construit, sur 13 semaines glissantes, et l’accompagner dans la mise en place et l’animation des premières réunions de pilotage hebdomadaires avec les managers susceptibles d’engager les principales dépenses.

Quels enseignements peut-on tirer ?

Cet exemple illustre le fait qu’à l’apparition de difficultés sérieuses pouvant sembler de prime abord passagères ou de nature conjoncturelle, il est important de recourir sans délai à un diagnostic intégral réalisé par un Conseil aguerri à cette discipline. Idéalement sans aucun lien avec l’entreprise ou ses actionnaires pour éviter tout conflit d’intérêt, ce Conseil doit être coutumier des situations de sous-performance. Par sa capacité d’évaluer la performance selon les quatre prismes, stratégique, opérationnel, financier et humain, il est en mesure de détecter et d’analyser le faisceau de causes entremêlées ou de facteurs conjugués qui font obstacle à la performance. Il ne doit pas s’arrêter là, mais il a aussi le devoir de presser l’entreprise et sa gouvernance de passer à l’action.

Dans le cas présent, la société avait accumulé une abondante trésorerie pendant ses années de gloire et celle-ci a progressivement fondu sur une période de cinq ans. Les premières alertes étaient apparues trois ans auparavant, mais rien n’a été fait tant que les caisses étaient encore garnies et qu’on espérait que demain serait meilleur…