Résumé
En cas de problème ou de risque de baisse de la performance de son entreprise, le dirigeant de PME ou d’ETI peut être tenté de demander à un Conseil expert de réaliser un diagnostic flash. Celui-ci a pour but de prescrire des remèdes rapides, sur la base d’une analyse limitée au champ intuitivement délimité par le dirigeant.
Eliminer le biais de jugement dans ces conditions nécessite pour le Conseil de se méfier de ses propres schémas de pensée et d’éviter de se laisser influencer par les avis qui lui sont donnés. Cela nécessite aussi une méthode particulière, basée sur le doute cartésien et le regard croisé à plusieurs.
Le diagnostic de performance économique
Nous nous intéressons comme toujours dans cet article au segment des entreprises de taille moyenne ou intermédiaire indépendantes (ETMI), employant 200 à 2000 salariés, comptant environ dix mille entités légales en France selon l’INSEE.
Les ETMI sont des structures plus complexes que les autres PME, ce qui limite leur management dans sa connaissance des arcanes de leur fonctionnement. Dès lors, il lui est plus difficile d’y voir parfaitement clair en cas de problèmes de performance économique et de savoir sur quels leviers agir précisément pour corriger le tir. D’un autre côté, ces sociétés jouissent d’une autonomie stratégique et leur taille fait qu’elles se prêtent bien à un diagnostic complet, quand elles sont en situation de décrochage ou de fort risque de dégradation de la performance économique, au contraire de groupes plus conséquents.
En situation d’insuffisance ou de risque d’érosion de la performance économique, nous recommandons généralement un diagnostic « intégral » (DI), passant au crible la stratégie de l’entreprise, son modèle économique, son modèle opérationnel et la dynamique interne de son équipe de direction. En effet, un déficit majeur de performance est rarement réductible à des raisons isolées, mais il est la résultante d’un écheveau de causes diverses qui, conjuguées, donnent naissance aux symptômes observés. Cet écheveau doit être démêlé pour pouvoir y remédier efficacement. Ce DI nécessite en général 6 à 9 semaines d’intervention d’une équipe réduite de consultants chevronnés, sur une durée de 2 à 3 mois.
Or certains dirigeants ou actionnaires sont soucieux de limiter à la fois la durée et le coût du diagnostic en le focalisant sur quelques questions spécifiques pour avoir une opinion d’expert, et de faire ainsi l’économie d’une analyse complète. Il peut s’agir par exemple de se prononcer sur l’intérêt économique d’investir sur de nouvelles machines de production dans la situation actuelle de l’entreprise, ou la capacité de la force de vente de négocier des augmentations de prix conséquentes. On peut envisager dans ce cas un Diagnostic Limité (DL), qui diffère du DI par sa rapidité de réalisation du fait de sa plus faible étendue, quitte à s’accommoder d’une moindre précision.
La méthode de réalisation du diagnostic limité
La première question qui se pose alors naturellement est comment rendre un tel diagnostic suffisamment pertinent et éclairant pour la prise de décision. Sa brièveté est incompatible avec un travail d’analyse approfondie, de recoupement méticuleux des résultats et de quantification consciencieuse pour établir un plan de progrès chiffré en P&L et en cash.
L’autre question importante qui surgit alors est celle des garde-fous à placer pour éviter de passer à côté de points essentiels, voire de faire fausse route.
Sur le caractère pertinent et éclairant pour l’action, on peut comprendre que le dirigeant ou l’actionnaire puisse considérer qu’un bon expert saura évaluer correctement la situation et proposer quelques bonnes clés de lecture, et accepter pour cela certaines approximations et le manque d’exhaustivité. Cela impose cependant de bien choisir le Conseil en question en vérifiant qu’il a l’habitude de conduire des diagnostics, qu’il recourra à une démarche d’investigation digne de ce nom, et de bien s’entendre au préalable sur la nature et le contenu de ses livrables.
Mais encore faut-il que les résultats de l’examen limité permettent d’identifier réellement les priorités d’action les plus payantes à terme, ce qui nous ramène à la seconde question posée, qui nous paraît bien plus épineuse.
A cet effet, la manière dont se déroule l’intervention et son contenu précis sont primordiaux. D’abord, il est nécessaire de passer en revue les données financières, le plan d’affaires et les budgets, en identifiant les déviations les plus remarquables. Les reportings sont également à étudier en amont des premières réunions avec la direction de l’entreprise. Cette compréhension initiale sera précieuse pour orienter les travaux à suivre.
Le premier entretien, nécessaire pour bien caler les enjeux, a lieu avec le dirigeant. Il s’agit de le faire parler de la stratégie mise en œuvre pour développer les avantages concurrentiels de son entreprise, notamment dans le domaine sur lequel porte l’intervention, ainsi que des principaux défis rencontrés.
Suivent alors des entretiens structurés avec toutes les personnes clés de l’entreprise, sans exception. Ces entretiens doivent les amener à s’exprimer sur leur mission et leurs objectifs, ce qui marche bien et les difficultés qu’elles rencontrent dans le fonctionnement de leur service et ses interactions avec le reste de l’entreprise. Le contenu et la tonalité du discours spontanément tenu à propos des clients, des fournisseurs, des concurrents et du fonctionnement interne sont de précieux indices permettant de mettre le doigt sur des points clés. Un questionnaire étoffé peut être administré en complément pour préciser leurs appréciations des forces et des faiblesses de l’entreprise. Quant au directeur financier, il est nécessaire en sus de lui faire expliciter le modèle économique de l’entreprise et de relier ce dernier au plan d’affaires.
Ce type de démarche ne s’improvise pas. Elle doit s’appuyer sur une méthode éprouvée de conduite d’entretiens et reposer sur un protocole solide d’investigation.
La vision qui s’en dégage est ensuite testée, pour être confortée ou infirmée, sur le terrain opérationnel. Cet indispensable reality-check passe par la conduite de visites méthodiques d’un des sites principaux de l’entreprise ou d’un parcours complet du process le plus critique concerné par les interrogations initiales, en faisant parler de la manière la plus spontanée possible des opérationnels rencontrés directement sur le terrain. Un focus est aussi fait à cette occasion sur la(es) question(s) posée(s) (par exemple, apport réel de l’investissement envisagé sur un nouvel équipement par rapport à l’optimisation de l’existant).
Les limites et contre-feux pour fiabiliser le diagnostic
Ne bénéficiant pas dans ce cadre limitatif de l’apport décisif des analyses approfondies de données apportées par un véritable DI, des risques d’erreurs d’appréciation subsistent. Mais les écueils classiques peuvent être évités par le Conseil et les pièges les plus courants déjoués à condition de :
- Se méfier de ses propres schémas de pensée a priori ou de raisonnements par analogie issus de l’expérience de situations similaires ;
- Eviter de se laisser influencer par les explications ayant cours au sein de l’entreprise, et manquer ainsi d’indépendance et d’objectivité ;
- Ne pas tirer de conclusions hâtives en escamotant le processus rigoureux du questionnement itératif (méthode des 5 pourquoi par exemple) ;
- Faire jouer l’effet puissant d’un regard croisé sur la situation, en travaillant au moins à deux sur un dossier ;
- Rester fidèle au principe du doute cartésien en nuançant les conclusions pouvant émaner d’un examen incomplet par essence.
Pour nous, le respect du protocole décrit plus haut et l’observation des cinq principes précédents sont les meilleurs gages de la justesse de l’éclairage procuré par un diagnostic limité et de sa robustesse.
Ce type de diagnostic peut faire émerger de bonnes pistes pour guider la définition de contremesures, mais celles-ci doivent néanmoins être soigneusement passées au tamis pour être validées ou rejetées à l’aune d’un examen plus pointu. On parvient aussi à la lumière des résultats du DL à bien dégrossir le sujet et éventuellement préparer les esprits à accueillir d’un bon œil des analyses plus poussées, dont ce diagnostic limité aura permis de cerner le périmètre optimal.