Résumé
Les entreprises de taille moyenne ou intermédiaire (ETMI) souffrent particulièrement en cette période agitée. Parmi tous les risques actuels, l’inflation a la portée la plus étendue, affectant les entreprises de tout secteur. L’ajustement du pricing est la voie qui nous paraît s’imposer parmi l’éventail des mesures pouvant être prises rapidement.
Cette voie est pavée de difficultés car les entreprises butent souvent en la matière sur des mythes et idées reçues qui ont la peau dure. Or l’extrême sensibilité de la rentabilité au pricing est un fait patent. Il est donc urgent pour toutes les ETMI de lancer leur projet structuré de Pricing dont le premier « quick-win » sera la préservation de la rentabilité par la prise en compte de l’inflation d’ores et déjà enregistrée. Connaissant les résistances des différentes parties prenantes, il est important de se faire accompagner par un Conseil expérimenté en la matière.
La place du pricing dans le contexte actuel
Les entreprises de taille moyenne ou intermédiaire (ETMI) souffrent particulièrement en cette période agitée. Alors même que d’après Altares Dun & Bradstreet « les défaillances d’entreprises accélèrent mais restent en deçà d’avant la crise du Covid », que les sociétés de plus de 100 personnes ne subissent qu’une hausse de 18% des défaillances sur le 3e trimestre par rapport au même trimestre de l’année dernière, et que ce chiffre s’établit à un niveau bien inférieur à celui de la moyenne de 68% toutes tranches d’effectifs confondues, leurs perspectives interrogent.
Sous l’effet du sextuple choc de l’inflation, de perturbations qui perdurent dans les chaines d’approvisionnement, de pénuries de main d’œuvre, de hausse du taux d’intérêt, de risque de taux de change, de conjoncture fléchissant sous le coup des troubles géopolitiques et de menaces de rationnement énergétique, ces ETMI doivent se préparer à de fortes pressions sur leur rentabilité. Celles-ci peuvent mettre en danger les plus fragiles et fortement secouer les plus solides d’entre elles. Dès lors, leur diligence dans la prise en compte de la nouvelle donne et surtout sa traduction rapide dans des mesures appropriées devrait être leur priorité absolue en cet automne 2022.
Parmi toutes les actions envisageables, outre les économies nées du bon sens (réduction des surconsommations et des pertes énergétiques), l’ajustement du pricing face à l’inflation des coûts de matières, des énergies, des composants (notamment électroniques), des coûts des services d’entretien, de maintenance et de sous-traitance est la voie qui nous paraît s’imposer parmi l’éventail des mesures pouvant être prises rapidement.
Une voie pavée de difficultés
Or cette voie est pavée de difficultés. En effet, les entreprises butent souvent sur certains mythes et idées reçues qui ont la peau dure :
- Nous sommes centrés sur le client et celui-ci est ultrasensible au prix : augmenter les prix entraine des pertes de business considérables.
- La part de marché est le principal critère à défendre pour assurer notre rentabilité, on ne peut se permettre de perdre du chiffre d’affaires en relevant trop ostensiblement nos prix.
- Les coûts sont la base à partir de laquelle le pricing doit être construit : tant qu’on ne sait pas bien évaluer de combien nos coûts ont augmenté à cause de l’inflation, on ne saura pas ce qu’on peut réellement répercuter.
- Nos produits sont pour la plupart des commodités difficiles à différencier, ce qui interdit de relever les prix avant la concurrence. Il ne faut surtout pas se presser !
- Il serait malvenu de beaucoup bouger les prix en ce moment de forte détérioration du climat économique et de la montée des incertitudes, car les clients sont allergiques à ce qu’ils verraient comme une manœuvre opportuniste les prenant en otage.
- Ce sont nos commerciaux qui négocient les prix et ils sont les mieux placés pour trouver le point d’équilibre en fonction du contexte concurrentiel.
- De toutes façons, la plupart des prix sont régis contractuellement et ne peuvent être bougés à court terme.
- Au vu de la volatilité actuelle, gérer les prix revient à les changer souvent et à semer le trouble auprès des clients.
Reconnaissez-vous certaines de ces objections classiques ? En réalité, aucune ne résiste à un examen approfondi, mais il serait trop long de développer ici un contre-argumentaire complet. Nous y reviendrons à une autre occasion.
La prise en compte du Pricing Power
Nous faisons remarquer toutefois que la clé de voute en matière de pricing est le critère de « pricing power » (PP), notion désignant la capacité d’une entreprise ou d’une marque à augmenter ses prix, sans que cela n’affecte sensiblement la demande pour ses produits ou ses services. Cette notion est la manifestation de la valeur ajoutée apportée par l’entreprise à ses clients par rapport aux offres de substitution. Mais en réalité, elle est méconnue dans les ETMI et peu de ces entreprises fixent leurs tarifs en la prenant véritablement en compte.
De plus, nous constatons que non seulement les prix pratiqués sont généralement inférieurs en moyenne au niveau permis par le PP, mais qu’ils sont incohérents entre eux, avec une variance excessive du prix d’un produit dans un segment de clientèle donné, doublée d’une absence de corrélation avec le volume d’achat effectif du client. Par ailleurs, ils sont rarement mis à jour pour tenir compte des évolutions des prix de revient, des volumes d’achats, et de la concurrence.
Enfin, un des autres points clés qui nous semblent peu compris au sein de la plupart des entreprises est celui de l’extrême sensibilité de la rentabilité au pricing, dont il peut être démontré mathématiquement qu’elle excède de loin toutes les autres dont celles liées aux volumes de ventes, aux coûts variables, aux coûts fixes, etc. Ainsi, de nombreuses études (McKinsey 2021, Blue Ridge 2020, KPMG 2020, …) mettent en évidence des gains durables de marge nette grâce à l’optimisation du pricing, allant suivant les cas de 200 à 700 points de base. Aussi, un des principaux bénéfices d’un projet Pricing est non seulement de rattraper les pertes de rentabilité liées à l’impact de l’inflation mais d’en profiter pour réviser la structure des prix afin de la réaligner sur le PP et mettre en place un cadre permettant de s’assurer que les fourchettes de prix cibles sont bien respectées dans la pratique et que les exceptions sont identifiées et bien documentées.
La nécessité de se faire accompagner
Il est donc indispensable et urgent pour toutes les ETMI de lancer leur projet structuré de Pricing dont le premier « quick-win » sera la préservation de la rentabilité à la faveur de la prise en compte de l’inflation d’ores et déjà enregistrée. Ce travail est loin d’être trivial et doit être organisé et soutenu par des analyses des données transactionnelles au niveau le plus fin.
Mais vaincre les réticences soulevées plus haut nécessite le plus souvent de se faire accompagner par un Conseil de haut niveau, sachant user de pédagogie pour aider les acteurs internes à dépasser leurs blocages psychologiques. Il lui incombe également de dresser un état des lieux objectif, précis et étayé puis de fédérer les différentes parties prenantes (Direction Générale, Commerce, Finance et Opérations) sous l’égide du dirigeant et le patronage de la gouvernance afin d’aboutir à un plan de progrès séquencé et quantifié, reliant les mesures préconisées à des objectifs pourvus d’indicateurs aisément mesurables.
Quant à la mise en œuvre de ce plan de progrès, celle-ci nécessite de coaliser les acteurs clés à travers un pacte dont il a été question dans notre précédent article et à l’aide d’un comité de pilotage et de suivi.