Complexité : racines, effets et remèdes
La Complexité en bref
Etymologiquement, complexité vient du latin « cum plexus », qui signifie « ce qui est tissé ensemble ».
On dit d’un système qu’il est complexe s’il est formé d’une multiplicité d’éléments interdépendants et interconnectés.
En fait, la plupart des entreprises d’aujourd’hui ayant dépassé une certaine taille (200 p. environ) et qui servent plusieurs segments de clientèle avec une offre variée sont assimilables à des systèmes complexes.
Atteindre leurs objectifs économiques dépend autant de la solidité de leurs fondamentaux et de la pertinence de leur stratégie que de leur capacité de maîtriser la complexité de leur chaîne de valeur et de la matérialisation de cette dernière sous la forme d’une modèle opérationnel formé de process, de systèmes et d’organisations.
Cela exige de la clairvoyance face aux dangers de la complexité dans leur entreprise, doublée d’une capacité d’agir pour la maintenir sous contrôle. Faute de cela, cette complexité sera fortement destructrice de rentabilité.
Origines et symptômes
La croissance
Dirigeants et investisseurs s’accordent généralement pour voir dans la progression du chiffre d’affaires un signe positif de bonne santé. Mais quand la croissance du CA est d’abord tirée par l’expansion de l’Offre, elle finit par obérer l’agilité de l’entreprise. La croissance ainsi obtenue rend son pilotage plus difficile et pèse sur sa performance financière.
Le poids de l’héritage
Bien souvent, l’Offre est l’héritage d’une accumulation de produits et de services développés au fil du temps. Certains sont moins demandés que par le passé, voire obsolètes, mais personne n’ose les retirer du catalogue. De nombreuses variantes de produits ont aussi fleuri à la demande des clients. L’entreprise a également étendu sa présence géographique, par croissance interne ou par acquisition. De nouvelles unités organisationnelles ont été créées pour produire certaines gammes ou rapprocher l’entreprise de ses clients. La base de fournisseurs s’est progressivement étoffée ainsi que le nombre de matières et de composants achetés. La quantité de chantiers en cours a enflé et les responsables opérationnels se sentent écartelés et mis sous une pression permanente. Les activités se diluent sur un trop grand nombre de fronts alors qu’auparavant la densité des actions fondait leur efficacité.
Les signaux d’alerte
L’entreprise laisse ainsi s’installer progressivement une complexité qui s’enracine de manière insidieuse. Celle-ci gêne son fonctionnement, congestionne ses process, accapare ses hommes et érode sa performance. Le paradoxe est que dans ces circonstances, même la perte de clients ou de marchés en bas de cycle ne donne plus lieu à une diminution franche de la masse des coûts. Celle-ci semble être devenue inélastique. Quant à la prévision de l’activité et des résultats, elle est encore plus difficile qu’auparavant.
Impact sur les Opérations
La variété de l’offre
La variété « excessive » de l’Offre est le plus souvent source de confusion pour les clients. Au lieu de procurer un avantage commercial, elle s’avère généralement néfaste. Cette surabondance introduit des lourdeurs dans la gestion de la chaine d’approvisionnement et du Marketing Produits, avec son cortège de coûts inutiles. Le suivi et le contrôle de la marge souffrent également de cette hypertrophie.
Les effets pernicieux
En réalité, la variété excessive de l’Offre laisse prospérer des produits moins bons au détriment d’autres plus compétitifs. Les premiers consomment une part disproportionnée des ressources et des capacités, aux dépens des seconds, grevant ainsi implicitement leur rentabilité. Ils entraînent la ramification des processus opérationnels avec leur lot de traitements ad hoc et d’exceptions. Une progression non linéaire des coûts s’ensuit, accompagnée d’une volatilité échappant à toute causalité apparente. La visibilité s’amenuise et l’entreprise s’écarte durablement de son optimum économique.
Les effets sur la rentabilité
En réalité, la profusion de l’Offre laisse prospérer des produits intrinsèquement moins bons au détriment d’autres plus compétitifs. Ces derniers pèsent sur la profitabilité globale. La faute en est aux interférences mutuelles qui naissent au sein de la chaine de valeur. En particulier, les produits moins bons consomment une part disproportionnée des ressources et des capacités disponibles. Ce faisant, ils phagocytent celles revenant aux autres produits, grevant in fine leur rentabilité. Pour supporter l’Offre élargie, les processus opérationnels se ramifient et une ribambelle de traitements ad hoc viennent s’y greffer. Et pour faire face à cette charge de travail additionnelle, le management doit rajouter des ressources, alors même que la hausse des volumes s’essouffle. Les coûts progressent d’une façon non linéaire, allant jusqu’à absorber complètement la marge des produits additionnels.
La reconstitution de l’évolution des profits en cumul en fonction du pourcentage des produits commercialisés suit une courbe typique, en « dos de baleine ». Ainsi, les produits « en trop » détruisent une partie des profits dégagés par la portion la plus rentable du portfolio.
Les effets sur le pilotage
La « mécanique » de fonctionnement de l’entreprise devient illisible pour le management. L’enchevêtrement de coûts cachés échappe à la vigilance du Contrôle de Gestion qui ne sait ni les mesurer ni les prévoir correctement. Ils deviennent volatils, échappant à toute explication rationnelle. La visibilité sur le résultat global de l’entreprise est alors singulièrement affaiblie. Or ce phénomène répandu, quoique mal compris, met non seulement les outils de mesure et de pilotage traditionnels en défaut, mais il contribue fortement à écarter l’entreprise de son optimum économique.
Recherche de solutions
Les premières mesures à prendre
Une ETI ou une grosse PME atteinte de ce syndrome de la complexité nécessitera un traitement spécifique. Si de plus son projet est de devenir une plateforme adaptée à une stratégie de croissance de type « buy and build», elle devra l’envisager sans attendre.
Un examen approfondi est alors nécessaire pour relier les évolutions des revenus aux coûts réels induits par la Complexité. Cette prise de conscience, factuelle et quantifiée, permet de mieux cibler l’action sur l’Offre et les process sous-jacents. C’est en effet la conjonction de mesures sur les deux fronts, Offre + Process, en faisant participer activement les acteurs de l’entreprise, qui permet d’obtenir des bénéfices substantiels et durables.
Le diagnostic
Il est alors nécessaire de révéler l’étendue de la situation en recourant à un traitement analytique adéquat à partir des données disponibles. Du fait de la nature même de la Complexité, il importe de ne jamais perdre de vue son caractère systémique et non localisable avec précision. Des méthodes quantitatives spécifiques sont alors nécessaires. Elles visent à mettre en évidence les liens entre l’évolution des revenus et les coûts réels induits par la Complexité dans le fonctionnement des process de l’entreprise.
Le Plan de « décomplexification »
Grâce à ce travail, on dispose de quoi s’attaquer au redimensionnement de l’Offre et à sa re-densification. Cela nécessite de faire participer activement les acteurs de l’entreprise à l’élaboration de la solution.
Il ne s’agit pas uniquement de retirer les produits à faible volume et faible marge. La transformation à mener doit en fait inclure le réaménagement des process dont l’Offre dépend pour que produits et services soient portés jusqu’aux clients. L’un ne va pas sans l’autre. C’est précisément la conjonction de mesures cohérentes sur les deux fronts, Offre + Process, qui permet d’obtenir des bénéfices substantiels et durables. Une fois ce processus engagé, un cycle de simplification organisationnelle pourra éventuellement s’enclencher pour consolider les gains.
Quoi qu’il en soit, un projet de décomplexification bien conçu et dûment partagé avec les équipes, est le plus souvent accueilli avec soulagement et enthousiasme par toutes les forces vives de l’entreprise. L’adhésion autour du projet nait et se nourrit des premiers résultats, qui ne tardent pas à se matérialiser puis à faire boule de neige.
Quoi qu’il en soit, un projet de décomplexification bien conçu et dûment partagé avec les équipes, est le plus souvent accueilli avec soulagement et enthousiasme par toutes les forces vives de l’entreprise. L’adhésion autour du projet nait et se nourrit des premiers résultats, qui ne tardent pas à faire boule de neige.